

COLOMBIE
2022 - Philipp Van der Poorten, Freie Vogtländer Deutschlands


unecabane en guadua (bambou)
Après presque quatre ans de voyage, je me suis demandé ce qui pouvait encore m’intéresser sérieusement ou si j’allais simplement rentrer chez moi et attendre de nouvelles mesures de confinement liées à la pandémie Covid-19. Je me suis dit que
cette pandémie ne devait pas avoir d’emprise sur mon itinérance et j’ai décidé de me rendre en Colombie au début de l’année 2022. Comme tous les projets forgés avec d’autres itinérants avaient été annulés peu avant, je suis parti d’abord seul avec mon amie Lena - couturière sédentaire, a\iliée à la Société des cravates grises (FBS). La première destination s’imposait, car son oncle Ste\en avait émigré en Colombie il y a une trentaine d’années et y avait fondé avec sa femme colombienne Lina une organisation holistique d’exploitation agricole durable et de promotion de la culture environnementale (Fundación Viracocha).
Non loin de là, nous étions logés dans la finca privée, dans un petit mais charmant tipi en feuilles de bananier. Il n’y avait rien d’inhabituel à cela, à l’exception des mygales, petites et grandes, qui aimaient s’abriter au sec par temps de pluie. Mais les petits scorpions noirs étaient bien pires, car ils sont di\iciles à repérer dans l’obscurité et leurs piqûres peuvent provoquer de terribles douleurs. Mais nous avons fini par nous habituer à toutes ces nouvelles impressions et, d’une certaine manière, les animaux exotiques sont assez passionnants à observer. Les premières semaines se sont déroulées sous le signe de vacances décontractées: soit des excursions d’une journée vers les nombreuses curiosités de la région, soit des roadtrips de plusieurs jours vers des cascades gigantesques, des sources d’eau chaude ou pour observer les étoiles dans le désert. Il convient de nommer avant tout les statues de pierre et les temples mégalithiques (datant de 200 avant Jésus-Christ à environ 700 après J.C.) qui appartiennent à la culture de San Augustin (https://de.wikipedia.org/wiki/San-Agustín-Kultur). Ils se trouvent dans la réserve archéologique de San Augustin et reflètent la vision du monde des di\érents peuples. Les peintures colorées, réalisées exclusivement à base de plantes, sont très impressionantes et se sont préservées dans leur état original.
A propos du guadua et de sa récolte
Tout artisan comprendra probablement à quel point j’avais les mains qui commençaient à me démanger après trois semaines de loisirs, d’autant plus qu’il s’agissait de découvrir un nouveau matériau de construction : le guadua (bambou). En Colombie, le secteur du bâtiment a traditionnellement exploité les nombreuses ressources naturelles. Aujourd’hui, on a trop souvent recours au béton qui lui n’est pas très esthétique. Ste\en m’a appris que les guaduas n’étaient pas tous pareils. Cela dépend en premier lieu de la variété, puis surtout de la récolte et des traitements adéquats. Deux machettes, une tronçonneuse en prévision d’une urgence, des bottes en caoutchouc et des gants épais étaient emballés - et nous voilà partis dans la forêt de guadua. Un bambou bien mature se reconnaît au bout de sept ans environ aux nombreux lichens qui poussent sur sa gaine (ou peau), ce qui le rend beaucoup plus pâle que les bambous plus jeunes. Le guadua est composé de nombreux segments creux remplis d’eau, superposés et fermés par des membranes (ndlt.: ces segments sont appelés aussi entre-nœuds) – ce qui est comparable à une tour de canettes de bière. Au cours de mon voyage, j’ai rencontré deux méthodes de traitement et je peux affirmer que la méthode "écologique" donne en tout cas moins de maux de tête que la méthode industrielle. Quant à cette dernière, on ne tient pas compte du moment de la récolte, les di\érents compartiments sont percés pour que l’eau puisse s’écouler, puis remplis de gaz et refermés. Avec le temps, le gaz doit s’infiltrer dans le matériau, ce qui permet d’obtenir l’e\et souhaité d’une plus grande durabilité. Lors des travaux de construction, il est inévitable d’ouvrir ces compartiments en sciant ou en perçant, ce qui provoque une fuite de gaz et une odeur assez désagréable au fil du temps. Si l’on ne fait pas attention et que l’on ne laisse pas le matériau s’évaporer, on risque d’avoir de sérieux maux de tête, voire des problèmes cardiovasculaires. La méthode écologique consiste avant tout à moins manipuler la matière et à tenir compte des processus naturels. La récolte a lieu à la nouvelle lune, quel que soit le mois, car la Colombie est située en zone équatoriale et les conditions météorologiques ne changent donc guère au cours de l’année, à l’exception de la saison des pluies. Les bambous sont abattus le plus près possible du sol, de sorte qu’il subsiste au moins un entrenœud entier. Il faut veiller à ce que les parois de la cavité ne forment pas de poche où l’eau pourrait stagner. Celle-ci commencerait à pourrir et à endommager ainsi le complexe racinaire du peuplement de guadua. Les bambous abattus sont replacés sur leur pied, légèrement décalés, et maintenus en place pendant un mois. Leur redressement est très facile, car la croissance d’une forêt de guadua est très dense, de sorte que les bambous ne tombent même pas lors de leur coupe. Cette astuce toute simple permet au bambou de continuer à dégager de l’humidité sous l’e\et du soleil pendant le mois suivant, et les compartiments sèchent sans être percées, car l’eau ne peut pas être absorbée depuis le sol, ce qui est comparable aux fleurs coupées qui sont posées dans un vase sans eau. Le guadua séché peut être retiré de la forêt et ébranché. Il est ensuite plongé dans un bain de sels de bore. Par e\et de capillarité, le matériau s’imprègne de la solution de sel de bore jusqu’au point de saturation des fibres. Ensuite, le guadua est remis à l’air libre pour séchage. L’eau s’échappe et la solution saline reste dans les fibres, ce qui prévient surtout contre les parasites du bois comme les insectes et les champignons.


Une cabane à flanc de montagne
Après six semaines passées dans les montagnes de San Agustín, Lena et moi avons traversé le pays pour nous rendre sur la côte des Caraïbes. Changement de décor avec la plage, les noix de coco, les grandioses couchers de soleil accompagnés d’un petit rhum, tel était notre objectif. Nous avons atterri dans une auberge près du célèbre Parc national de Tayrona. Le hasard a fait que les propriétaires allemands ont reconnu ma tenue et m’ont demandé de leur donner un coup de main sur des chantiers en cours. Et pour couronner le tout, un couple d’artisans allemands avec lesquels j’avais déjà travaillé sur le chantier d’été intercompagnonnique de 2021 a débarqué le même jour. La surprise fut grande et la bière bon marché, si bien que Sanjita, Rasmus et moi avons rapidement échafaudé toutes sortes de projets. Nous avons finalement opté pour la construction d’une cabane en guadua, en zapan et en monkoro. Ces dernières espèces sont des bois tropicaux locaux.
Le zapan a à peu près la même consistance que le vieux chêne et est considéré comme extrêmement résistant aux intempéries. Le monkoro, quant à lui, est tout simplement un bois de construction solide. Le dimanche, j’ai dessiné les plans de construction sur du vieux carton de nourriture pour chats, afin que nous puissions commencer à construire le lundi. L’ensemble du terrain de l’auberge, y compris notre chantier, se trouvait sur une pente totalement escarpée avec une vue magnifique sur la mer des Caraïbes. Une inclinaison d’environ 40° nous a confrontés à quelques questions à résoudre: quelles dimensions et combien de fondations faudra-t-il prévoir ? Que se passera-t-il pendant la saison des pluies, quelle quantité de terre sera emportée et combien de personnes notre cabane pourra-t-elle accueillir ? Après avoir longuement consulté l’oracle de la bière, nous avons opté pour des fondations sur semelles filantes avec cinq appuis posés sur le sentier et deux grandes
semelles isolées posées sur la pente. Nos ouvriers auxiliaires, los primos, se sont attelés à ce labeur de titan à un rythme soutenu. Los primos sont la classe ouvrière dans les montagnes. Ils vivent généralement de l’élevage et de l’agriculture ainsi que de toutes sortes de travaux physiques vraiment durs pour lesquels on peut les embaucher comme journaliers.
« Hola! Primo ! », c’est ainsi qu’ils se saluent au quotidien, ce qui se traduit littéralement par “Salut, cousin”. Les trous de fondation ont été excavés et, par une heureuse coïncidence, Sanjita avait travaillé auparavant dans une entreprise de maçonnerie et savait assez bien façonner les armatures. Nous avons pu utiliser des plaques ondulées en plastique comme co\rage et, après la première semaine, nos „colonnes grecques“ étaient prêtes. Deux fois 200 x 50 cm, selon la devise : "Plus il y en a, mieux c’est !
Nous avons laissé dépasser des deux piliers à béton armé quatre barres d’acier et avons façonné des boucles sur leur extrémité supérieure. Nous les avons insérées dans les nœuds inférieurs des bambous de guadua pour relier la fondation aux montants. Puis, nous avons coulé du béton dans les compartiments correspondants. Ces quatre montants par fondation, placés chacun en carré, supportent la charge principale de la construction. Deux montants dépassent de chaque côté la plate-forme et constituent le point de raccordement de la première structure de chevrons formant ferme. En outre, tous les contrefiches et liens de la plateforme sont reliés à ces montants, mais dans ce cas, les photos en disent plus long que les mots, alors voyez par vous-mêmes.
Au bout de la deuxième semaine, le tréteau principal était en place, y compris la plate-forme recouverte de planches. Nous avons décidé de clouer les dalles du plancher à la main, en pensant que nous étions super malins, car qui fixerait trois centimètres de bois tropical avec des vis pour cloison sèche ?! Se procurer d’autres vis relevait de l’impossible. Après les dix premiers clous tordus, nous avons dû constater que la qualité de l’acier colombien laissait manifestement beaucoup à désirer. Nous avons donc pré-percé ..., mais il en allait de même pour les forets que pour les pointes. Vous pouvez donc imaginer la bonne ambiance qui régnait sur le chantier après que nous ayons percé des centaines de trous dans le bois avec des forets émoussés. Vraiment très épuisant ! "Rends-toi sur le Tour !", nous avait-on dit. "C’est là que tu apprendras quelque chose !"
La troisième semaine a été la plus productive quant à la visibilité de l’avancement des travaux, car nous avons enfin pu entreprendre la construction de la cabane. Il n’y a pas vraiment eu de taillage préalable, mais plutôt un bon tri pour utiliser ou bien dissimuler les courbures ou les caractéristiques des bambous. Et voilà : la cabane était terminée.
Fiers et heureux, nous avons passé les jours suivants à faire des tours à moto dans la nature sauvage colombienne et à faire du parapente dans les montagnes voisines. Le moment de mon départ était venu, car mon visa allait expirer au terme de 90 jours. Sanjita et Rasmus sont restés pour terminer l’aménagement intérieur et protéger la cabane des regards indiscrets des autres hôtes.
Il y a deux façons de réaliser des assemblages en bambou de guadua : soit en les fixant latéralement et en les boulonnant avec des tiges filetées, soit en utilisant la „boca de pescado“ - c’est-à-dire la „bouche de poisson“ ce qui est un assemblage beaucoup plus esthétique ayant les mêmes dimensions que les autres, mais dont la réalisation est chronophage et très éprouvante pour les nerfs, selon les exigences. Pour les assemblages à 90°, les scies- trépans au bon diamètre sont des outils parfaits.
En revanche, pour les parties fortement fléchies, il reste à travailler au jugé, à s’arrêter et à s’adapter encore et encore à l’aide d’une scie sauteuse et d’une meuleuse d’angle. Les assemblages de type esthétique, non structuraux, peuvent être sécurisés avec des pointes en bois, alors que les assemblages travaillants doivent également être vissés. En général, il faut placer les boulons toujours près des nœuds du bambou. En fonction de la charge de traction ou de compression,ils doivent être placés au-dessous ou au-dessus du point nodal. Un boulon placé au milieu de l’entrenœud tient certes aussi, mais ne repose dans un premier temps que sur les quelques fibres tangentes. Cette particularité du matériau nécessite un arbitrage permanent entre la stabilité, l’esthétique et la symétrie de la construction. Une sélection et un tri minutieux du bambou sont donc indispen-sables en amont. En règle générale, on peut dire que les bambous présentant les entrenœuds les plus courts ou le plus grand nombre de nœuds doivent être privilégiés pour les parties de construction soumises à de fortes contraintes statiques.



Boissons chaudes et sensations froides
Lors d’un de nos dimanches de congé, nous avions prévu, comme d’habitude, de faire un tour à moto dans l’arrière-pays : le fameux "tour de machette". Une entreprise téméraire. Cinq heures par monts et par vaux, de haut en bas, du sable, de l’eau, de la poussière, bref, il y avait de tout, sauf de bonnes conditions routières. C’est ce que nous avions prévu lorsque notre aubergiste s’est opposé à ce que nous partions ce jour-là, jour de l’élection présidentielle. Nous avons regardé d’inquiétantes images de violences urbaines transmises en direct, mais nous avions bon espoir que rien de tel ne nous attendrait ici, dans le bled, puisqu’il nous su\isait de nous rendre au village voisin pour bifurquer sur
notre route. Il faut dire que cette élection présidentielle était très importante, car c’était la première fois que l’ensemble de l’opposition du bloc gauche/démocrates s’organisait pour remplacer les structures d’appression et d’exploitation octroyées par le gouvernement de droite en place. D’importants thèmes comme la sécurité sociale, la sécurité alimentaire, le droit à l’éducation, la taxation des riches était en jeu. Ce n’était vraiment pas une mince a\aire et le pouvoir établi s’avérait peu enclin à abdiquer. Nous avons pu voir de nos propres yeux ce que cela signifiait au prochain village, car la route était bloquée par un camion renversé et contrôlée par des mercenaires armés. Les règles étaient sans équivoque. Faire demi-tour ou mourir, et nous ne voulions vraiment pas savoir s’ils avaient l’intention de s’exécuter pour de vrai. De retour à l’auberge, nous étions assez déconcertés. Tout comme les autres clients, nous nous demandions ce qu’il fallait faire. Nous nous sentions vraiment mal à l’aise, juchés sur notre montagne, en sécurité, les pieds plongés dans la piscine, un cocktail à la main, avec une vue paradisiaque sur la mer des Caraïbes, alors que quelques kilomètres plus loin, des coups de feu étaient en train de fuser. Qu’est-ce qu’est la sécurité au juste et en combien de temps peut-elle se briser? Enfant des années 90, je n’ai même pas connu de contrôles aux frontières avant de partir sur le Tour. Vers 14 heures, la police a progressivement pris d’assaut les villages de la route côtière. Les mercenaires ont mis en pratique leur mission d’empêcher les gens de voter en mettant le feu aux isoloirs : pas d’urne, pas de vote, c’est aussi simple que cela. Lorsque l’alerte a été o\iciellement levée, nous avons tout de même entrepris notre visite. Le village en question avait l’air plutôt normal, à l’exception des nombreux débris. Les gens buvaient de la bière au bar et se promenaient dans la rue. Bizarre, mais je me suis simplement concentré sur ma moto et sur la route. Cependant, ces événements font souvent un „tour supplémentaire“ dans ma tête et m’amènent à réfléchir à l’évolution de notre situation européenne. Quoi qu’il en soit, j’apprécie d’autant plus mes pérégrinations et je suis vraiment heureux de faire partie d’une tradition qui a toujours été synonyme de liberté, d’égalité et de compréhension. Ne perdons pas cela de vue et faisons en sorte que cela puisse continuer encore très longtemps !


Entre la métropole et le Parc national
Lors de ma dernière semaine, j’ai voyagé le long de la côte en mettant le cap sur l’Ouest pour me rendre à Barranquilla, le numéro deux des carnavals d’Amérique du Sud, afin d’y rencontrer deux autres itinérants. Le charpentier Fabian, un frère de Roland (cravate bleue) et la menuisière voyageuse libre Naima étaient déjà sur place et nous avons passé le carnaval jusqu’au petit matin, à la mode des bons compagnons.
Les fondements culturels du carnaval, largement vantés, me restaient cependant inconnus, tout comme la logique des mesures anti-Covid. Tout d’abord, c’était assez bruyant, haut en couleur et il y avait beaucoup trop en tout. À mon goût, moins c’est souvent plus, mais ceci n’est que mon ressenti et les milliers de personnes qui dansaient dans la rue n’étaient pas du même avis. Je ne veux pas discréditer le carnaval qui se déroule entre la métropole et le Parc national, nous nous sommes bien amusés, mais c’était vraiment bouleversant. En tout cas, après ce week-end, des vacances s’imposaient ! A chacun ses propres objectifs et envies, alors Naima et moi sommes partis en direction du Parc national de Tayrona pour profiter un peu de la nature intacte. Malheureusement, j’avais attrapé le Covid et j’étais donc „hors de combat“. Le dernier jour de mon voyage, j’ai tout de même décidé de visiter le Parc de Tayrona.
Quel plaisir que de pouvoir observer de près, à l’air frais et à l’ombre des vieux arbres, des singes en liberté et des oiseaux de toutes espèces. Le long de la côte, des bosquets magnifiques alternent avec des plages de sable blanc et des paysages de landes. Une véritable nourriture pour l’âme et un meilleur moyen de se rétablir que de regarder constamment le plafond de sa chambre. J’ai passé le reste de la journée dans
le hamac à reprendre des forces pour mon voyage de retour. Je me suis remémoré mon voyage et me suis félicité d’avoir pu vivre en Colombie toutes ces belles et souvent extrêmes expériences.
Perception de la tenue de compagnon à l’étranger dans des situations climatiques extrêmes
Pour terminer, j’aimerais dire quelques mots sur la perception de notre tenue de compagnon dans les pays lointains. Vous pouvez certainement imaginer qu’il n’a pas toujours été facile de porter la tenue complète par des conditions météorologiques aussi extrêmes. Souvent, je me suis demandé pourquoi, en plus des bagages, je devais surtout trimbaler ma veste sur des kilomètres à travers le pays, par des températures dépassant largement les 30°C, sans parler de la haute humidité de l’air. En guise de récompense, j’ai retrouvé ma veste au bout de trois jours dans le casier d’une auberge, complètement moisie, comme tous mes Charlies. Contrairement à ce que j’avais l’habitude de voir en Europe, où la tenue fonctionne comme „brise-glace“ et facilite les contacts, je n’ai guère rencontré ce joyeux étonnement auquel je m’attendais. J’ai recueilli des regards et des commentaires de la part des autochtones qui disaient : "Maintenant, les Blancs sont devenus complètement fous !" ou "Qui est ce grand taré en sueur ?", c’est ce que l’on ne veut vraiment pas entendre. Je devais simplement admettre que mes vêtements n’étaient pas faits pour ce climat. De plus, cela m’empêchait de faire certaines excursions ou de visiter des sites touristiques, car j’étais fatiguée par l’e\ort physique. Arriver quelque part en sentant toujours mauvais et en transpirant est tout simplement désagréable. En revanche, quant à la vie nocturne, c’est un vrai accroche-regard, tant que l’on n’est pas obligé de bouger. J’étais donc face à un dilemme, mais je ne pouvais pas m’imaginer voyager confortablement en maillot de bain. Que faisaient les compagnons d’il y a 50, 100 ou 200 ans dans une telle situation ?
Je ne le savais pas, je ne pouvais appeler personne. Il fallait prendre une décision personnelle ! Le bon sens devait l’emporter sur les règles du compagnonnage, cela me semblait tout à fait raisonnable, mais comment déterminer les limites ? Je n’ai certainement pas pour credo de m’e\ondrer à la moindre contrariété, c’est pourquoi je suis très satisfait, avec le recul, d’avoir tenu bon. M’être prouvé à moi-même que je pouvais faire preuve de ce degré de discipline me fait tout simplement du bien. Raisonnable ou pas. En tout cas je suis sûr que nous n’aurions pas pu nous vanter d’un héritage de plus de 800 ans si nous avions toujours dit précipitamment : "Tant pis, et au diable avec tout ça".
Cela n’a pas rendu le quotidien du voyage plus confortable, mais j’ai redécouvert
ma motivation à voyager ! Et quand j’en avais trop, j’allais simplement à la plage – après tout, ce n’était pas pour rien que j’avais choisi de me rendre sur le Tour.
Récit/Photographies :
Philipp Van der Poorten, FVD
Traduction :
Christine Hussel

HAUTE-VIENNE
2019 - Sylvain Chapelle, Fédération Compagnonnique

Une des haches réalisées

Saint-Éloi, patron des orfèvres et forgerons
Chaque année en novembre, forgerons professionnels et amateurs, compagnons ou pas, se retrouvent pour un week-end en Haute-Vienne, près de Chaptelat, lieu de naissance de leur Saint Patron, pour des échanges conviviaux et instructifs autour d’une passion commune.
Pour cette journée, un thème de travail est proposé, ainsi qu’une conférence en rapport avec la forge. Cette fois, le thème est la hache, le défi étant d’avoir des haches prêtes le soir même pour réaliser des bûches norvégiennes pour se chauffer et s’éclairer.
LA FERRONERIE FRANÇAISE
Philippe Bachmair est lui-même un forgeron émérite, compagnon, Meilleur Ouvrier de France, auteur de chantiers prestigieux de New York aux Émirats et un pédagogue accompli : il est actuellement formateur en CFA à Périgueux. Il a « hérité » des travaux de Jacques Ambonati, responsable des ateliers fer de la Fondation Coubertin et consultant international en ferronnerie française, qui avait dressé un historique en image de cette dernière et que nous a commenté Philippe.

Calfatage des bordées de la poupe
Les débuts du fer sont plutôt militaires : il remplace le bronze pour la fabrication des armes. C’est le développement de l’art religieux avec le christianisme qui permet de diversifier les productions. Pendant la période romane, il y a encore peu d’outils, le fer est utilisé principalement pour faire des ferrures et des grilles, soudées et clouées. Il reste peu d’exemples…
Du XIIe au XIVe siècles, le Gothique apporte une grosse évolution ; la plupart des outils sont inventés : perceuse, tarauds, limes, etc. s’ajoutent aux marteaux, enclume, gouges, poinçons… C’est aussi l’apogée de l’étampage : les extrémités des fers sont formées avec un moule, l’étampe, en feuillages ou zoomorphes. Les ornements croissent, les serrures se complexifient, notamment les serrures à « orbevoie » (un décor en relief obtenu par la superposition de plaques de métal repercées). Le mobilier liturgique se développe : lutrins, ambons (support de la bible), sièges, etc. mais aussi la ferronnerie
civile, la bijouterie… Les forgerons maîtrisent l’acier par puddlage (apport de matériaux riches en carbone), et pour ce qui est des assemblages de leurs ouvrages, ils s’inspirent des pratiques des charpentiers !

Départ de la rampe d'escalier du Petit Trianon

Pierre Soulès explique
Pendant la Renaissance, la ferronnerie civile poursuit son développement : portails, garde-corps, volets, porte-torches et débuts de l’éclairage public. Les voyages plus nombreux permettent de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs… Un bel exemple de l’évolution de la ferronnerie de l’époque est le puits du château des Ducs de Bretagne à Nantes : un mélange de repoussage et d’étampage qui constitue les prémices de la tôle.
Le règne de Louis XIII voit enfin l’avènement d’une catégorie d’ouvrage essentielle quand on parle de ferronnerie : la rampe d’escalier. D’abord des rampes droites forgées non débillardées, qui s’inspirent des balustres de pierre ou de bois. On assiste également à la création d’enseignes d’échoppes.
Sous Louis XIV, l’art des rampes forgées se développe : les sections de métal deviennent plus grosses, on utilise aussi la fonte pour faire des moulages. On passe aux escaliers balancés à rampe débillardée ; le décor joue sur la symétrie, les balustres sont remplacés par une alternance de petits et grands panneaux (qui facilite le débillardage), les poteaux à console deviennent cossus, avec un décor en volutes…
Avec Louis XV, le style est plus chargé, riche en dorures, mais aussi plus relâché, il n’y a plus de lignes droites, on ne distingue même plus de poteaux dans les rampes. Un grand ferronnier lorrain marque de son empreinte la période : Jean Lamour (1698 – 1771), auteur entre autres des fameuses grilles de la place Stanislas à Nancy.
Sous Louis XVI, le style est plus lourd et géométrique, l’inspiration venant de la Grèce antique. Difficulté supplémentaire dans la réalisation des rampes : elles sont tout en fer « défrisé », c’est-à-dire que la section reste carrée partout, quelle que soit la déformation en plan !
On quitte l’ancien régime pour entrer dans l’ère de la modernité : le XIXe siècle est l’apogée de la construction métallique, avec les premiers bâtiments tout en métal. La
ferronnerie devient très sobre, dépouillée durant le 1er empire, néo-classique durant le 2nd empire. L’emploi de la fonte se généralise. Entre 1870 et 1900, malgré les difficultés de la France d’après-guerre, la ferronnerie fait un grand bond ; dans toutes les villes de garnison par exemple, on construit un kiosque à musique. Au tournant du XXe siècle, l’Art Nouveau renouvelle les formes et les assouplit, sous l’impulsion du Belge Victor Horta, puis du Français Hector Guimard (les fameuses bouches du métro parisien) ou encore du catalan Antoni Gaudi. En France, l’école de Nancy se distingue et devient le fer de lance de ce style qui fait la part belle aux motifs végétaux. Puis c’est New York qui donne le ton avec le style Art Déco, tout en métal texturé et à nouveau plus géométrique.

Abbaye romane de Conques
Cette pause culturelle a été vivement appréciée par l’auditoire passionné de ferronnerie qui a remercié Philippe Bachmair pour le partage de son savoir, avant de reprendre le chemin des forges, certainement enrichi de nouvelles inspirations, et de revenir au sujet pratique du week-end : haches et hachettes forgées.
« Faites sonner les carillons ! »
L’expression est chère au compagnon Pierre Soulès, un des piliers de ces rencontres automnales : le carillon, c’est la rencontre du marteau et de l’enclume, la ferronnerie est un travail sonore et Pierre n’hésite pas à mettre en avant le côté musical de sa profession. Toujours désireux de partager sa passion, il n’aura pas le temps de réaliser sa propre hache, aKairé à initier petits et grands au travail du fer forgé.
Autour des forges portatives et des enclumes se forment des petits groupes, équipes improvisées car la forge est plutôt une pratique collective (quand on n’a pas de marteau pilon du moins) : il faut parfois que l’un tienne un outil de perce ou de découpe pendant
que l’autre tape au marteau ou à la masse, et pourquoi ne pas être plusieurs à taper, si on veut avoir fini dans les temps ? Ces cessions physiques sont rythmées par le besoin de chauffer régulièrement le fer, il doit être rouge, orangé, jaune pour être battu. Car la
forge ce n’est pas que de la musique, c’est aussi un art pictural !
Plusieurs haches sont forgées dans le week-end, en suivant différentes méthodes, pour ménager le passage du manche par exemple, en travaillant directement un acier dur ou en faisant un corps de hache en acier plus doux avec un tranchant rapporté…
Bien sûr, le dernier ingrédient de ce week-end réussi consistait en quelques ripailles de bon aloi que la présence d’un brasseur, d’un boulanger, de quelques chasseurs et de cuisinières et cuisiniers inspirés garantissait. Un grand merci aux organisateurs, Monique et Pascal Dumont, au conférencier Philippe Bachmair et aux forgerons qui partagent leur passion
Récit :
Sylvain Chapelle, Fédération Compagnonnique
Photographies :
©Trizek, ©Touf, ©Jean-Pierre Dalbéra
Traduction :
Christine Hussel

ÎLES FÉROÉ
2019 - Jonathan Miranda, Fédération Compagnonnique


Rangée de couples de la proue
Restauration du voilier à Tórshavn.
Faire du neuf avec du vieux !
Je suis arrivé pour la première fois aux îles Féroé en Janvier 2019, nous avions entendu parlé d’une entreprise qui cherchait des ouvriers lors de l’assemblée générale de la CCEG, c’est comme ça que nous sommes rentrés en contact avec le Naver Jørgen Christiansen. J’ai travaillé là trois mois début 2019 avec le pays Timothée Harter, puis à nouveau trois mois fin 2019 en ramenant un ami et j’y suis revenu encore en avril 2020 avec une côterie. Après quelque mois de travail sur un grand chantier d’appartements, j’ai entendu parler de la restauration de ‘Norðlýsið’. C’est à Tórshavn, capitale des Îles Féroé, sur le chantier naval Mest que la petite entreprise Batasmið restaurait le fameux ‘Norðlýsið’, en Féroien le terme désigne les Aurores Boréales. Ce vieux bateau a été construit en 1945 sur le chantier naval de Mest, c’est le deuxième bateau à en sortir. Initialement destiné au commerce avec l’Angleterre, très lucratif de par les risques durant la Seconde guerre mondiale. La fin de la guerre oblige à un changement de plan, dans un premier temps bateau de pêche équipé d’un moteur, il est transformé en 1984 en voilier touristique, proposant des tours au large des 18 îles qui composent les Féroé.

Calfatage des bordées de la poupe
Racheté en 2018 par l’entreprise Thor, celle-ci entreprend avec l’entreprise Batasmið des restaurations plus que nécessaires, les travaux qui devaient durer 3 mois prendront plus d’un an ; en effet, à peine les premiers bordages démontés, ils ont pu constater l’étendue des dégâts, un grand nombre de couples étaient pourris ainsi qu’un certain nombre de bordages dans la partie intérieure, en cause l’ameublement qui ne laissait pas circuler l’air dans de nombreux espaces, et l’existence d’une ʻbordée’ intérieure, sans doute pour faciliter le stockage des poissons. Dans son premier usage, cela ne posait pas trop de problèmes du fait de la grande quantité d’eau salée qui mouillait les différents éléments, mais une fois le bateau transformé en voilier de tourisme, à l’intérieur plus question d’asperger les couples d’eau salée.

Ebauchoirs, fers à calfat et étoupe

Das Segelschiff im Bau befindlich, 1945
D’un simple remplacement de quelques bordages Guðmundur Sjurðarson Norðbuð, le ‘Singe’ de l’entreprise Batasmið, a dû s’attaquer au remplacement de toute la bordée de la poupe et d’une partie de son pont, ainsi qu’à de nombreux couples. Tout cela avec l’aide de Fridjoft S. Eidsvold, un charpentier naval norvégien, Eirikur Nybo A Klet, un ouvrier Féroien, Thomas Findrup, un Danois constructeur de bateau viking qui passera quelques semaines à nos côtés, ainsi que d’un autre ouvrier danois qui partira en août avant mon arrivée, m’offrant l’opportunité de prendre la place vacante sur le chantier.
A mon arrivée, l’ensemble des bordages pourris avaient été remplacés, ainsi que certains barrots, et un grand nombre d’allonges. Mon intervention a consisté dans un premier temps d’une part au remplacement d’un certain nombre de petits éléments servant à enrouler les cordes, ou de ʻbancs’ à l’arrière servant de support à un élément métallique maintenant les mats, et d’autre part à riveter un grand nombre de boulons métalliques qui maintiennent les bordages et de nombreux autres éléments, mais aussi au planage des bordés pour raccorder les joins des bordages et rendre plus harmonieux l’ensemble de la coque, puis au calfatage avec de la fibre de chanvre poussée entre chaque bordage et recouverte de goudron. Un travail physique, sale et loin de l’image du grand air qui nous vient à première vue en parlant de voilier, mais une expérience unique et passionnante. Enfin peu avant mon départ, j’ai réalisé la finition intérieure dans les banquettes ainsi que de l’aménagement intérieur. Un ouvrage assez peu commun pour un Chien Loup, chargé d’histoire et de mémoire et dont la participation restera pour moi une grande chance ! Depuis le mois de mai, ‘Norðlýsið’ navigue à nouveau dans les fjords Féroïens.

‘Norðlýsið’ terminé, je suis de nouveau retourné à mes activités habituelles, la charpente terrestre, mais je garde désormais des projets de charpente maritime de côté. Au plaisir de vous croiser dans les îles !
Récit :
Jonathan Miranda, Provençal le Franc Cœur
Photographies :
Guiseppe Funnone et Ophelie Giralt
Traduction :
Christine Hussel

TERRE DE FEU
Benedikt Maria Schuster, Rolandschacht

Au bout du monde – pour le travail ?
Terre de feu – quel drôle de nom. Partant de là, on s’attend à des volcans, une chaleur insupportable ou un soleil brûlant. Mais le nom de ce groupe d’îles a une origine profane. Les premiers Européens qui s’y sont aventurés ont vu de nombreux incendies dans les villages de la côte depuis leurs navires. La raison était simple : les indigènes voulaient se protéger du froid et du vent omniprésent. Ainsi, les Européens ont donné à l’île le nom de Tierra del Fuego – Terre de Feu.
Pourquoi diable vouloir visiter un tel endroit, et de surcroît pendant le Tour ? Parce que cela en vaut le détour tout simplement ! Non seulement en raison de la nature unique de cet archipel en partie chilien et argentin, mais aussi parce que, avec un peu de chance, on peut y trouver un travail très intéressant en tant que compagnon. C’est ce qui est arrivé à deux Cravates Bleues, Jonathan Wertmann et moi-même. Après avoir visité la partie nord de l’Argentine, très brièvement le Paraguay et le Brésil, ainsi que Santiago du Chili, nous avons décidé de visiter la ville la plus au sud du globe. Il s’agit d’Ushuaia, située sur le canal de Beagle et point de départ de nombreuses expéditions en Antarctique. Nous sommes arrivés sur l’île par 9°C et avec des vents terribles et nous sommes partis à la recherche d’un logement.
Comme nous étions à la mi-janvier, la tâche s’est avérée beaucoup plus difficile que prévu. C’est la haute saison pour les touristes et les vacances d’été en Argentine – il ne reste plus beaucoup de couchages. Après avoir été refoulés de plusieurs auberges, l’amie la chance est venue à notre secours. Nous avons été abordés. Mais en allemand ! « Que peuvent bien faire deux charpentiers ici ? » nous a demandé un homme. Il s’est présenté comme Pablo, né en Terre de Feu, marié à une allemande et guide touristique. Nous lui avons parlé de nos projets et de nos problèmes actuels de logement. Il nous a immédiatement offert une chambre dans sa maison et nous a fait faire un petit tour de la ville dans sa voiture.

Oui, ici le vent souffle fort…

Photo avec le consul honoraire allemand en Terre de feu
Le lendemain, nous sommes allés voir le consul et il était très enthousiaste. Des charpentiers allemands chez lui, et en plus ils veulent travailler ! Il nous a fait visiter avec fierté les locaux de son entreprise, qui comprend deux grands ateliers de bois avec diverses machines fixes, un grand lieu de stockage de bois et sa propre chambre de séchage. En outre, il loue également des maisons de vacances de style victorien.
Après avoir pu admirer des ‘Arts de construction’ assez loufoques des Argentins et des Chiliens lors de notre périple, ce contraste était le bienvenu. Puis, il nous a montré son tout nouveau projet sur le site: un grand garage. Les portiques étaient toujours manquants et notre tâche était donc déterminée. Dès le lendemain, nous avons commencé à travailler, un croquis nous a été fourni, nous avions carte blanche sur tout le reste. Il s’agissait de réaliser 3 portes, de 2,60 m de large et de hauteurs différentes, car il est d’usage là-bas de construire la dalle en pente (le but de cette pratique ne nous a malheureusement pas été dévoilé). Le bois utilisé en Terre de Feu et dans une grande partie de la Patagonie est appelé lenga, également hêtre du sud.
Il est utilisé à la fois pour la construction et l’ameublement. Résistant aux intempéries, car il contient de l’acide tannique, ce bois est caractérisé par une longueur de fibre moyenne et des nuances de couleur allant du rouge clair au vert. De plus, il présente des cernes de croissance assez serrés.
Pendant que l’un préparait le bois adéquat, l’autre pouvait commencer à raboter. Ensuite, nous avons commencé à dégauchir. Après cela, nous nous sommes réparti le travail. Jonathan a fraisé et collé les planches pour les garnitures, et moi, j’ai commencé à couper les chambranles sur la longueur et à façonner les tenons. Ensuite, les mortaises ont dû être tracées et travaillées. Cette opération a été réalisée à partir d’une foreuse à fente audacieusement couplée à la dégauchisseuse-raboteuse. Une régalade pour tous les inspecteurs du travail…

Collage avec une utilisation minimal de serre-joints

Le point le plus au sud du continent sud-americain
Pendant ce temps, Jonathan a pu commencer à poncer les garnitures. Le travail avançait tant et si bien qu’il a été possible de coller le premier segment d’une porte. Comme il y avait un manque flagrant de serre-joints qui fonctionnent, nous avons dû travailler avec un tréteau improvisé et des cales, mais nous avons bien maîtrisé cet obstacle Nous avons connu une situation similaire lors du collage des deux premiers segments pour former la première porte. Comme il est d’usage dans cette entreprise de fixer à nouveau les tenons avec des chevilles en bois, nous avons percé des trous et fraisé des chevilles. Cet ajout de travail nous a beaucoup surpris : comme il n’y a pas de pièces préfabriquées ici, elles devait en plus être faites sur place. Lentement, la première porte a pris forme. Les garnitures ont été ajustées et les moulures et ornements ont été réalisés. Pour nous, charpentiers, ce travail de ponçage ne nous est pas familier, mais nous sommes flexibles et capables de nous adapter à de nouvelles procédures. Puis, le travail s’est poursuivi jusqu’à ce que les trois portails soient enfin achevés. Au total, nous avons travaillé deux bonnes semaines dans l’entreprise et y avons vécu d’intéressantes expériences. Dans les ateliers de chez nous, on ne travaille plus de cette façon, mais c’était génial d’avoir à tout fabriquer nous-mêmes, à l’exception des vis et de la colle.
Danach war die Lust aufs Reisen wieder geweckt, so machten wir uns auf in Richtung Norden, um noch mehr von Feuerland und Patagonien zu sehen. Das Trampen gestaltete sich allerdings äußerst zäh, denn anscheinend war den argentinischen Autofahrern die Kluft nicht so wirklich geheuer. Das andere Problem sollten dann die Wetterkapriolen und die kaum vorhandenen Unterstandsmöglichkeiten bei Regen oder prallem Sonnenschein sein. Aber irgendwie kamen wir vorwärts, ein Pärchen im roten T2-Bus brachte uns nach 2 Tagen des Wartens langsam, aber unaufhörlich in Richtung Norden. Uns stand nämlich noch ein weiteres Abenteuer bevor.
Après avoir visité Ushuaia, la ville la plus australe du monde, notre prochain objectif était de faire une randonnée jusqu’au point le plus au sud du continent. Celui-ci se trouve sur le détroit de Magellan et a même été visité par le pape Jean-Paul II dans les années 1980. En hélicoptère par contre, et nous allions bientôt nous en rendre compte : Ça aurait été beaucoup plus facile que de se rendre à pied sur ce bout de terre isolé. Ce n’était pas une randonnée de 5 jours relativement peu exigeante avec la traversée de trois petits ruisseaux, comme indiqué dans le guide de randonnée, qui nous attendait, mais un véritable exploit.
Des tronçons de plage rocheuse avec escalade des rochers et des arbres couchés, des hautes landes, des passages avec descente en rappel et montée en cordée, et de la natation avec bagages dans l’eau glacée, tout y est passé. Et de surcroit sous la pression du manque de provisions, qui selon le livre pourraient ne pas être suffisantes si nous tardions trop. Ah oui, j’oubliais, le point le plus au sud est en haut d’une montagne. Marécageuse qui plus est. Formidable. Même le paysage d’une beauté à couper le souffle ne pouvait plus assez nous impressionner. Mais nous avons relevé le challenge que nous nous étions imposé et, de retour à la civilisation, nous avons mangé ce que l’on peut considérer comme le meilleur steak du monde.
Mais maintenant, avec un certain recul, je peux le dire : c’était une randonnée inoubliable dans le grand vide, et nous étions probablement les premiers compagnons sur le Tour à nous aventurer jusqu’à cet endroit. En outre, nous avons pu admirer des dauphins, des baleines, des otaries, des phoques et des aigles en liberté, ce qui compense largement.

Le glacier Perito Moreno
Le reste de notre voyage nous a conduits au glacier Perito Moreno, au Lago Carrera et finalement au point de départ de notre voyage, Buenos Aires. De là, nous sommes retournés en Allemagne après trois mois intensifs de voyage.
Récit et photographies:
Benedikt Maria Schuster, Frère de Roland
Traduction:
Hannelore Imig

